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#voicesfrom
Feminist LGBTQIA+ living in Morocco
A day without end
For almost 3 months now we have been locked up, and the media and the state tell us almost nothing... At first, I could tell myself "it's good I needed rest"... but resting without salary, without welfare... it reduces this rest to survival.
When I went out shopping, I realized that the public space had become a space for cis guys... they move around as if the street had become their space... all of a sudden, I see them shopping, and standing towards the closed cafés looking at their phones, that's their way out. Since I am read as woman, I can feel their eyes even more heavy now, and the street became theirs.
I look out the window and I see them with their masks down in the street chatting with other guys and us, we stay inside, trying to pass the time... I think I've never watched so many shows. Luckily, I live in a collective flat and at first I think that cakes and good food have never been so popular in our kitchen. We had a lot of fun, and we loved each other. We've had our ups and downs in our lives, and we've tried to stay the course.
Sometimes I realize that we've managed to live on little, and we've managed to keep a roof over our heads and still hold on. We've been beautiful and supportive.
When the last extension was announced on May 20, it was as if the sky was falling on my head again... another month. From afar, I can see Europe, which has more than 25,000 deaths, and is heading to big stores, taking aperitifs... And us... well, we're waiting with barely 200 deaths in the country... real number ? We'll never know, we're just waiting. I feel a deep injustice from north to south. This coveted north that “hagar” us once again. They receive welfare and have a president like Macron who still decides the destiny of Africa as for example for the abolition of the CFA Franc. Coloniality of power ? Post colonial ? All these words resonate in me wondering how this is still possible…
At times, to forget that I'm in "an endless day", I dream of the beach which is less than 100 meters away. The beach where we will eventually be able to meet with friends for a big picnic, to swim and share jokes. Maybe in the beginning we will have to re-learn how to communicate again, little by little, and we will feel grateful for these moments.
Then I come back to reality and I say to myself "well, we have to go to the market to buy the food of the day". Hop, I get dressed, take my mask, my gel and go out. The heat reminds me that the summer has started and I look down my street and see the turquoise water of the ocean. I stop and look, then I go back in my maze towards the market, always early in the morning, because I don't know why I'm often awake around 7am... so the days are long. I buy some mint, some vegetables, bread, cigarettes, water, and food for the kittens.
Ah yes, let's talk about the kittens, one cat left us her kittens before the confinement and never came back. So during this confinement, we have 4 kittens which are growing up and we have to give them up for adoption. It has become our TV, watching them doing acrobatics, sleeping, eating. We also have to take care of them, and if it is cute at beginning, after a while, they grow up, they are four, take more space, and eat always more!
Ramadan ended a week ago, but what has been giving a great rhythm for people around me are the live events on internet where the LGBTQUIA+ community could share and exchange. It's our version of the series for Ramadan, allowing us to be connected and see other people's faces.
And here we are at 10 days to go, and a new day begins as if the one before didn't exist...
Par S@b (CRAAP)
(Thanks to Basano for the traduction in english)
Raw is a Feminist LGBTQIA+ living in Morocco. She likes art, speak and she just creates a web page who’s called « Mafia Soubisate TV » (lives, podcast…). Sabrina is a feminist LGBTQIA + against colonialism which is french and moroccan, who decided to live one year in Morocco. She likes radio, art and she belongs from a collectif which called CRAAP in France."
Translation from the picture:
“My greatest crime... is to be a free woman...
At a time when all they want are slaves,
I was born with a thinking mind
In a time when they're trying to abolish the thought”
version française:
« Un jour sans fin »
Depuis maintenant presque 3 mois on est enfermées, et les médias et l’état ne nous dit presque rien…Au début, je pouvais me dire « c’est bien j’avais besoin de repos »…mais du repos sans salaire, sans aide…cela réduit ce repos à de la survie.
Lors des sorties pour les courses, je me suis rendue compte que l’espace public était devenu un espace pour gars cis…eux se déplacent comme si la rue était devenu leur espace…tout à coup, je les vois faire les courses, et rester vers les cafés fermés à regarder leur téléphone, c’est leur moyen de sortie. Alors qu’en tant que personne assignée meuffe, les regards étaient plus présents, la rue est devenue à eux.
Je regarde par la fenêtre et je les vois avec leur masque en bas dans la rue à discuter entre mecs cis et nous on reste dedans, en tentant de faire passer le temps… Je crois que je n’ai jamais autant regardé de séries. Heureusement, j’habite en colloc et au début je crois que les gâteaux et les bons petits plats n’ont jamais autant plu dans cette cuisine. On a su rigoler, et s’aimer. On a eu des hauts et des bas dans nos vies, et on a essayé de garder le cap.
Des fois, je me rends compte qu’on a réussi à vivre avec peu, et qu’on a réussi à garder un toit sur la tête tout en s’accrochant. On a su être beau.belle et s’encourager.
Lors de la dernière annonce de prolongement, le 20 mai, c’est comme si de nouveau le ciel me tombait sur la tête…encore un mois. Et de loin, je vois l’Europe qui a plus de 25 000 morts se dirigeait vers de grandes enseignes, prendre des apéros…Et nous…ben on attend avec à peine 200 morts dans le pays…chiffre réel…on ne sera jamais, juste on attend. Je ressens une profonde injustice de nord vers le sud. Ce nord tant convoité qui nous « hagar »[1] encore une fois. Les aides qui viennent les aider, et tout cela, avec un président qui décide encore du destin de l’Afrique comme par exemple pour la suppression du Franc CFA. Colonialité du pouvoir ? Post colonial ? Tous ces mots résonnent en moi en me demandant comment cela est encore possible…
A des moments, pour oublier que je suis dans « un jour sans fin », je rêve de la plage qui est à moins de 100 mètres où avec les amixes on pourra se retrouver devant un grand picnic, et se baigner, en se racontant des blagues. Peut-être qu’au début nous allons devoir réapprendre à communiquer et petit à petit nous nous sentirons reconnaissant.e déjà de ces moments.
Puis, je reviens à la réalité et je me dis « bon faut aller au marché acheter la nourriture du jour ». Hop, je m’habille, prends mon masque, mon gel et je sors. La chaleur me rappelle que nous avons commencé l’été et je regarde dans le contre bas de ma rue, je vois l’eau bleu turquoise de l’océan. Je m’arrête et regarde, puis je repars dans mon dédale vers le marché, toujours tôt le matin, car je ne sais pas pourquoi je suis souvent réveillée vers 7h du matin…alors les journées sont longues. J’achète un peu de menthe, un peu de légumes, de pain, des clopes, de l’eau, et de la nourriture pour les chatons.
Ah oui, parlons-en des chatons, une chatte nous a laissé ses chatons avant le confinement et n’est jamais revenue. Alors pendant ce confinement, nous avons 4 chatons, qui grandissent et qu’il faut faire adopter. Alors, cela devient un peu aussi notre télé, à les regarder faire des acrobaties, dormir, manger. Il faut aussi s’occuper d’eux.elles, et ce n’est pas pour déplaire au début, mais après un certain temps, les 4 grandissent et prennent plus de place, et mangent toujours plus !
Le ramadan s’est achevé il y a une semaine, mais ce qui a beaucoup rythmé les personnes qui m’entourent ce sont les lives sur internet où la communauté LGBTQUIA+ a pu partager, échanger c’est un peu comme les séries du ramadan mais pour nous. Cela a permis d’être en lien, de voir d’autres têtes.
Et nous voilà à j moins 10, et une nouvelle journée commence comme si celle d’avant n’avait pas existé…
Par S@b (CRAAP)
[1] Hagar : ensemble de tous les mots comme injustice, humiliation, oppression s’en prendre aux plus faibles…
Traduction de la phrase de la photo :
« Mon plus grand crime ... c'est d'être une femme libre
À une époque où ils ne veulent que des esclaves,
Je suis née avec un esprit pensant
Dans une époque où ils essaient d'abolir la pensée ».
(citation de Nawal Saadawi)